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Glass Bead (www.glass-bead.org) est une plateforme de recherche et une revue dédiées aux transferts de savoirs entre l’art, la science et la philosophie, ainsi qu’à leurs dimensions pratiques et politiques. 

Glass Bead a réalisé une année d’enquête sous la forme d’un programme de recherche audio et d’une série d’événements publics, initié à New York en avril 2014 et poursuivie aux Laboratoires d’Aubervilliers à l'automne de la même année.

Pour le lancement de son premier numéro en ligne, intitulé Site 0: Castalia, le jeu des fins et des moyens (glass-bead.org), Glass Bead organise une session de conférences, de projections de films, et de performances musicales aux Laboratoires d’Aubervilliers (Paris) qui présentera les perspectives théoriques déployées dans la revue.





The Depth and the Ply


Le propre de l’humain consiste à entrer dans un jeu articulant des fins et des moyens. Ce jeu n’est pas un jeu naturel. Les animaux n’y participent pas. C’est un jeu au travers duquel les humains se construisent eux-mêmes ainsi que leur environnement. C’est un jeu normatif qui recoupe l’ensemble des engagements humains avec le monde, et dont les règles peuvent être altérées et transformées.

Poursuivant le travail du premier numéro de la revue Glass Bead, ces deux évènements de lancement sont dédiés aux questions suivantes : quelle est la fonction de l’art dans ce jeu? Comment des formes d’expression théoriques et pratiques peuvent aider à refondre les règles du jeu et transformer notre paysage normatif ?

À ce jeu de normes, l’art contemporain oppose généralement un libre jeu de signifiants et de représentations indéterminés, affirmant ainsi que la créativité et la liberté ne peuvent être atteintes qu’en opérant des percées hors du jeu et de sa logique normative. Ce faisant, l’art contemporain tend à rejeter la normativité dans un arrière-plan qu’il devient alors impossible de saisir.

Glass Bead soutient au contraire que toute sortie hors du jeu suppose déjà un certain type d’engagement avec sa fabrique. Il n’y a pas d’échappée, pas de retrait, pas de dehors à ce jeu. La liberté n’est pas l’indétermination du jeu : elle est une pratique d’engagement dans un processus de construction, de révision et de transformation des règles du jeu. Une telle conception n’implique pas d’assimiler la liberté à la normativité, mais de considérer que la liberté elle-même relève du jeu normatif des fins et des moyens. C’est à travers l’articulation dialectique des fins et des moyens que les normes peuvent être rendues explicites, et ainsi transformées en l’objet d’une appropriation collective. 

C’est à une telle redéfinition du jeu et du rôle de l’art en son sein que le double événement organisé à Extra City Kunsthal et aux Laboratoires d’Aubervilliers est dédié. Cet événement s’articule autour des deux dimensions caractéristiques de tout jeu : la “profondeur” de jeu (the Depth), et les “tours” de jeu (the Plies). La profondeur de jeu nomme la capacité du joueur à prévoir les coups à venir et à adapter son jeu en conséquence. Un tour de jeu décrit un échange de coups entre deux joueurs. Prendre part au jeu implique ainsi la corrélation stratégique de ces deux dimensions où tout engagement local avec le jeu (le tour) transforme sa structure globale (la profondeur).

Opérer un mouvement dans le paysage normatif du jeu est nécessairement lié à un acte d’auto-transformation. Un tel mouvement ne nous laisse pas indemnes : il ne préserve pas ce que nous sommes mais nous implique dans une redéfinition constante de ce que nous pourrions être. Ce double événement est consacré à la formalisation collective d’une telle pratique du déracinement.






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photo : Alice et Guy Debord jouant au « Game of War », Août 1987