illegal_cinema #43

La séance est proposée et présentée par Sébastien Ronceray, membre de Braquage.

Films projetés :
Extracte,
de Kana Fukui (France/Japon, 2010, 12min., DVD, sonore)
Memory of a Landscape
, de Tatjana Marusic (Croatie, 2004, 12min. DVD, sonore)
Atlantiques
, de Mati Diop (France/Sénégal, 2009, 16min., MiniDV, sonore)
Entrevista con la tierra
, de Nicolas Pereda (Mexique, 2008, 18min., DVD, sonore)
Bette Davis
, d’Isild Le Besco (France, 2010, 02min., DVD, sonore)
Durée totale : 60min.


Entrevista con la terra

Vies de nos fantômes
(par Sébastien Ronceray)

Cette programmation cherche à orienter nos sensations de spectateur vers des événements, des gestes, des corps qui ne sont qu’évoqués par les cinéastes, mais qui par leur présence (en son, en image) activent en nous des connexions avec des parties invisibles de notre imaginaire : rappels, hommages, réminiscences, traces, le cinéma est un art rempli de fantômes. « Dis-moi qui tu hantes, je te dirais qui tu es » : telle est l’invitation d’André Breton. Le surréalisme a énormément traité de cette question du fantôme, de l’apparition, voyant dans les rêves, ou plus généralement dans la projection, le raccord, le montage, de quoi envisager la création artistique comme phénomène de vision, d’apparence, de métamorphose du réel. Les différents courts-métrages de cette programmation avancent chacun à leur manière, dans ce chemin ouvert de la projection, de la figuration, de l’apparition, et de la trace qu’elles laissent.
L’évocation d’un temps différent du cinéma, par la reprise d’images et l’implication de celles-ci dans un présent de création, guide les films Extracte (images souvenirs et influences créatrices du passé dans le geste de Kana Fukui) et Imaginary of a Landscape (la référence au western comme traversée, et comme trace nostalgique - absolue chronique d’une mort annoncée - d’une histoire au cinéma). Autre traversée, celle-ci non achevée, tentée par un voyageur échoué, dans Atlantiques, le film de Mati Diop : voulant passé de l’autre côté, le jeune Sirigne abandonne une partie de son âme ; celle qui lui reste est-elle la plus vivante, ou bien est-elle déjà emprunte de cette évanescence fugitive de feux follets que l’on ne peut retenir, pur esprit, fantôme absorbé par la nuit. De l’autre côté de l’Atlantique, au Mexique, l’évocation d’un drame, d’une disparition, d’une chute avec le film de Nicolas Pereda, ou : comment évoquer l’absence, la relater, la ritualiser, la filmer, l’enregistrer.
L’enfance et les fantômes qui l’accompagnent circulent dans le film d’Isild Le Besco. Entre rencontre vampirique, et attirance de la Bête vers la Belle (le souffle de la parole inaudible de la Bête et celui du vent dans les feuillages face au souffle de la musique de la Belle), Bette Davis raconte une histoire de la prise de possession d’un corps par un autre, de propagation d’un mal, sorte de body snatching éveillé mais plongeant par sa lenteur le spectateur dans un état de latence, en suspens.

Remerciements :
Les cinéastes, qui ont donné leur accord pour la projection de leur film, Mélanie Gérin de Zadig Productions, Fabienne Hanclot de l’ACID, Natalia Trebik du Studio National des Arts contemporains du Fresnoy.