La diaspora des objets
Saturday 16 May 2015, 14h30 » 19h00

La diaspora des objets


La diaspora des Objets
Un symposium en forme de conte
samedi 16 mai de 14h30 à 19h

En conclusion de son exposition aux Laboratoires d’Aubervilliers, « La distance entre V et W », Yael Davids imagine un symposium en forme de conte - La diaspora des objets - qui développe, en présence du public et de ses invitées, les enjeux de distanciation, d’enracinement et de production de frontières qui sont au cœur de son projet de recherche aux Laboratoires.
Tandis que l'artiste conçoit d'ordinaire ses installations dans la perspective de les activer lors de performance, elle a choisi a contrario d'évacuer son corps et ses mots de l'espace même de son exposition aux Laboratoires. Ce symposium, qui s’articule autour de récits d’objets singuliers, s’annonce alors comme une nouvelle forme d’incarnation de son projet.
 
Ici les « objets » sont à saisir selon une large acception : biens personnels chargés d’affects, images porteuses d’une histoire qui reste à écrire, pierres d’une architecture reconfigurée au gré de ses locataires, terre d’accueil d’un projet idéologique… Il s’agit durant une après-midi entière de réfléchir aux mouvements subis par des biens domestiques ou culturels, en proie à des déplacements temporels et géographiques. Autant de « choses à soi » qui, tour à tour ignorées, confisquées ou scellées, détruites ou redistribuées, témoignent à leur manière d'une histoire intime et/ou politique. Car derrière ces objets, ce sont des destins croisés de personnes anonymes et publiques que les intervenants mettent en lumière. C’est à l’intersection de la petite et de la grande histoire et en particulier à l’aune du conflit israélo-palestinien, que ces notions de déplacement, de spoliation et de réappropriation sont convoquées et étudiées.

Avec : Yael Davids (artiste), Yasmine Eid-Sabbagh (artiste), Irit Rogoff (professeur d'art visuel, théoricienne, et curatrice) et Malkit Shoshan (architecte, et chercheuse). Modération Mathilde Villeneuve (co-directrice des Laboratoires d’Aubervilliers).


Interventions
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Adoptant une approche auto-réflexive sur son travail, via des récits et des activations d’objets, Yael Davids renoue avec la pensée d’un art comme opération de détachement et de deuil, cher à sa pratique. Les « objets trouvés » qu’elle sollicite sont autant issus de son installation présentée aux Laboratoires que d’héritages familiaux et culturels (l’histoire des legs successifs des manuscrits de Franz Kafka, ainsi que de l’Angelus Novus de Paul Klee dont Walter Benjamin fut le premier acquéreur, ou encore le rapport fusionnel que ce dernier entretenait avec ses livres et sa bibliothèque), pour penser à travers une pluralité de voix la notion d’artefact.
 
Dans une précédente conférence, Exhausted Geography, Irit Rogoff désignait la géographie et la cartographie comme outil et technologie essentielle à l’installation d’un pouvoir qu’il est important de déconstruire et déborder. Elle privilégiait des géographies relationnelles et des cartographies affectives qui prennent en compte l’expérience des déplacements sur un territoire, ses conditions, son encadrement, les forces d’invisibilisation en marche, l’appréhension du temps de chacun et des émotions suscitées. Pour La diaspora des objets, Irit Rogoff partage ses nouvelles recherches autour de la constitution idéologique de l’Etat d’Israël et du projet sioniste, telle l’invention moderniste d’un lieu dont elle décryptera les motifs et ses effets, brutaux et illusoires.
 
Yasmine Eid-Sabbagh rend compte de ses recherches effectuées pendant de longues années dans un camp de réfugiés palestiniens dans le sud du Liban, travaillant à produire une archive numérisée d’images de famille et de studio - photos rares et privées, rarement exposées au regard, délaissées même par ceux qui les possèdent ou les réalisent. Travaillant en collaboration avec les résidents du camp, se voyant confiée un certain nombre de photographies, l’artiste a engagé un travail de mémoire. Ce dernier passe par l’accroissement de l’attention accordée aux formes d’auto-représentation et par la libération des espaces temporels, géographiques et émotionnels qui convergent dans ces images. C’est à travers une forme expérimentale de restitution sonore et visuelle que Yasmine Eid-Sabbagh s’attache ici à explorer les superpositions des mécaniques de distance et de proximité propres à ces images et à ouvrir à leur antagonisme inhérent.
 
Dans Atlas of The Conflict (2010) l’architecte Malkit Soshan proposait, via la production de plus de 500 cartes et diagrammes, une visualisation du conflit israélo-palestinien sur les 100 dernières années. Son intervention pour La Diaspora des objets, intitulée Migratory Stones, revient sur l’histoire particulière du village arabe Ein Hawd : un territoire confisqué, d’où ses habitants palestiniens ont été chassés puis remplacés par différentes colonies juives, et enfin occupé par des personnalités du mouvement dada, qui le font devenir à ses dépens le symbole d’un espace social d’avant-garde. Les fondations sont déplacées, ré-agencées et renommées, creusées pour accueillir une activité artistique. Les pierres portent aujourd’hui encore les stigmates d’une volonté d’instauration d’un nouveau monde qui n’a d’égal que la violence faite à ses origines véritables.
 


Biographies
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Yael Davids, artiste d’origine israélienne vivant à Amsterdam, elle a développé une pratique artistique qui se situe au carrefour de la danse, performance, sculpture et des arts plastiques, catégories qui ne sont dans son cas opérantes que dans leur dimension transversales, ouvertes et poreuses. Son travail jusque là met en œuvre une relation forte entre installation et performance, où le corps tient un rôle pivot.
Sa résidence au sein des Laboratoires d’Aubervilliers vient enrichir un travail déjà présent sur la scène contemporaine étrangère, notamment en Italie, Pays-Bas, Allemagne, Angleterre, ou encore Suisse, où elle notamment présenter les installations, activations et performances End on Mouth, If I can’t Dance, I Don’t want to Be Part of Your à la Biennale de Venise (2005), Learning to Imitate pendant Objectif Exhibitions à Amsterdam (2007) et pendant Picture This à Bristol (2010), Ending with Glass à la Kunsthalle de Bâle (2011), Oblitarating an Image au Musée de Leuven (2012), A reading that Writes – a physical Act I au Musée d’Art de Rio de Janeiro et A reading that Writes – a physical Act II à Red Cat de Los Angeles (2013), ainsi que sa participation à l’exposition Yvonne Rainer Project à la Ferme du Buisson (2014).

Yasmine Eid-Sabbagh a étudié l’histoire, la photographie et l’anthropologie visuelle à Paris. De 2006 à 2011 elle vit à Burj al-Shamali, un camp de réfugiés palestinien établis en 1956, et situé juste au sud de la ville portuaire de Tyr, au Liban. À Burj al-Shamali, elle a réalisé une recherche photographique incluant un projet dialogique avec un groupe de jeunes palestiniens, ainsi qu’un travail de collection de photographies de famille et de studio.   Yasmine Eid-Sabbagh est membre de la Fondation Arabe pour l'Image (http://www.fai.org.lb) depuis 2008. Elle est actuellement doctorante à l’Académie des Beaux-Art de Vienne.

Malkit Shoshan a étudié l'architecture et l'urbanisme à l’Université IUAV de Venise (Italie) et au Technion de Haïfa (Israël). Fondatrice du think tank architectural FAST (Foundation for Achieving Seamless Territory  / Fondation pour la réalisation d’un territoire transparent) basé à Amsterdam, elle explore et met en évidence via son travail les relations entre l'architecture, la politique et les droits de l’homme.
Auteure du livre primé Atlas of the Conflict, Israel-Palestine (2010) et de Village (2014).
L’an passé, alors qu’elle était chercheuse à la Het Nieuwe Instituut de Rotterdam, elle a développé un projet à long terme Drones et Honeycombs où elle étudie l'architecture contemporaine et des paysages en temps de guerre et de paix. Il comprenait l’intervention « Design for Legacy » ; les séminaires « Drone Salon » et « Missions and Missionnaries », ainsi que l'installation « 2014-1914: View from above ».
Elle est également membre du comité de rédaction de Footprint, le Journal Architecture Théorie de Delf, associé à la chaire Architecture Théorie de l’Université de Technologie de Delf (Hollande).
Son travail a été publié au sein de livres, magazines et journaux tels que SQM:The Quantified Home, Volume, Abitare, Frame, Monu, Haaretz et le New York Times ; il a également été exposé à la Biennale d’Architecture de Venise (2002, 2008), la Biennale de Venise (2007), l’Institut d’Architecture des Pays-Bas (2007), Experimenta (2011), NAiM/Bureau Europa (2012) et au Het Nieuwe Instituut (2014).

Irit Roggoff, théoricienne et curatrice, qui écrit à l’intersection des pratiques critiques, de la politique et de l’art contemporain, est également professeur au Goldsmiths College, Université de Londres, dans le département des cultures visuelles, qu'elle a fondé en 2002. Son travail, via une série de nouveaux think tank et de programmes à Goldsmith (Recherche/Architecture, Savoirs/Curateurs) se concentre sur les possibilités de localisation, déplacement et échange de connaissances au sein des pratiques professionnelles, des forums auto-générées, des institutions académiques et des enthousiasmes individuels. Ses publications comprennent notamment Museum Culture (1997), Terra Infirma – Geography’s Visual Culture (2001), A.C.A.D.E.M.Y (2006), Unbounded – Limits Possibilities (2008) ainsi que Looking Away – Participating Singularities, Ontological Communities (2009). Enfin, en tant que curatrice, elle a realisés : De-Regulation with the work of Kutlug Ataman (2005-8), A.C.A.D.E.M.Y (2006), et  Summit – Non Aligned Initiatives in Education Culture (2007).

Samedi 16 mai 2015, de 14h30 à 19h