Partager

 
 
 
 

Liste des revues présentées dans la Research Room

Novembre (par Fanny Gillet–Ouhenia)
C’est au printemps 1964 que paraît la première revue culturelle algérienne de l’indépendance intitulée Novembre en référence au déclenchement de la guerre de libération. Malgré l’enthousiasme et le désordre dans la mise en place des institutions politiques qui caractérisent les années de l’immédiate indépendance, hommes de culture, artistes et écrivains parviennent à s’associer pour cette courte aventure. Dans le contexte qui vit sa naissance, Novembre, éditée par la Commission culturelle du FLN, paraît comme une tentative courageuse de reconstruction d’une identité culturelle nationale. Le comité de rédaction compte l’écrivain et Commissaire national à la culture Mourad Bourboune et deux écrivains confirmés: Malek Haddad et Jean Sénac ainsi que le peintre Mohammed Khadda qui sera d’ailleurs le seul avec l’activiste et homme de théâtre Mohamed Boudia à siéger de façon constante au comité de rédaction. La revue devait exprimer la tendance progressiste marxisante portée par une génération d’intellectuels algériens autochtones et européens d’origine (Jean Pélégri, Anna Gréki). Volonté de reconstituer une histoire nationale et héroïque à travers la figure de l’émir Abd-el-Kader, bilinguisme et diglossie, aliénation et luttes de libération sont autant de thèmes abordés par les auteurs mais Novembre est aussi un moyen pour de futurs grands auteurs de faire connaître leur travail (Rachid Boudjedra, Youcef Sebti, Djamel Amrani). Au niveau plastique, différentes écoles se côtoient, de la non-figuration (Mohammed Khadda, Abdallah Benanteur, Choukri Mesli) à la semi-figuration (Mohamed Bouzid, M’hamed Issiakhem) en passant par le naturalisme (Bachir Yellés). Militante, cosmopolite et pluridisciplinaire, le pluralisme toléré de Novembre connaît cependant un rapide appauvrissement dû à la rigidification progressive de l’orientation politique du pays. Prévue à l’origine comme un bimestriel, l’impression s’arrêta en 1965 lors de la prise de pouvoir par le colonel Houari Boumediene. Certains des contributeurs durent s’exiler, d’autres choisirent de rester parfois au péril de leur sécurité, certains enrichirent le contenu de revues culturelles voisines à l’image de Souffles (Maroc) ou Alif (Tunisie).

Révolution Africaine (par Fanny Gillet–Ouhenia)
Si la revue culturelle permet de mesurer la qualité de l’expression artistique, c’est par le biais de la presse que le lecteur peut apprécier le bouillonnement d’idées et la portée des débats sur les orientations de la politique culturelle. L’antagonisme entre Mourad Bourboune et l’homme politique, écrivain et historien Mostefa Lacheraf en est un exemple. Le quotidien tiers-mondiste Révolution Africaine, créé en 1963 par l’avocat-militant anticolonialiste Jacques Vergès et financé par le FLN, constitue le relais le plus dynamique à ces échanges entre partisans d’une Algérie ouverte aux influences étrangères, et partisans d’une personnalité exclusivement arabo-musulmane. D’un autre côté, les artistes trouvent une tribune pour exprimer leur théorie au regard de la problématique bifide modernité/authenticité. «Eléments pour un art nouveau» de Mohammed Khadda constitue ainsi une référence importante pour la construction d’un discours identitaire. Dans «L’art et la révolution algérienne», Jean Sénac célèbre l’acquisition par le Musée des beaux-arts d’Alger d’un ensemble d’œuvres d’artistes internationaux (parmi eux Masson, Erró, Lebel, Crippa, Cherkaoui) dénonçant la violence française durant la guerre d’indépendance et exposé en 1964 à Paris et Alger. Orientées vers les luttes des pays du Tiers-Monde, sous l’effet du changement de direction survenu après la prise de pouvoir de Boumediene, les problématiques de Révolution africaine s’algérianisent peu à peu. La revue limite ainsi ses ambitions à expliquer au peuple algérien la nouvelle politique du FLN, l’édification d’une Algérie socialiste et révolutionnaire. Peinant à trouver une formule adéquate, Révolution Africaine, désormais «organe officiel du FLN», opte dans les années 1970 pour un format magazine dont le sujet des rubriques est définitivement orienté vers les thèmes de la révolution permanente, le panarabisme et le néo-colonialisme.

El Moudjahid Culturel (par Fanny Gillet–Ouhenia)
L’organisation du premier festival panafricain à Alger en 1969 semble donner ses orientations à la "Révolution culturelle", l’un des trois piliers des réformes politiques du gouvernement Boumediene. C’est dans ce contexte que l’écrivain et journaliste Mouloud Achour décide de l’élaboration de ce qui peut être considéré comme le seul supplément ayant été consacré uniquement aux questions culturelles jusqu’à aujourd’hui. Publié de 1969 à 1977 et intégré au journal étatique El Moudjahid, El Moudjahid culturel est une source d’informations précieuse en la matière. Evoluant vers un graphisme de plus en plus élaboré, le quotidien souhaite s’inscrire dans l’actualité des «temps modernes» comme son titre l’indique après quelques numéros. Portée par une politique volontariste d’arabisation et de revivification des traditions, l’authenticité (asla) se voit redéfinie au prisme d’une modernité (hadatha) technique et scientifique, laissant de côté les questions d’acculturation, d’aliénation et de spécificité débattues dans les années 1960. La culture se doit d’être révolutionnaire et populaire et c’est en Mohamed Benbaghdad, artiste et ex-membre du groupe Aouchem, qu’elle trouve son médiateur pour les arts plastiques: rôle de l’artiste au sein de la société socialiste révolutionnaire, rapport de l’art au public, soutien des arts aux luttes anti-impérialistes sont les principaux thèmes abordés par le quotidien.

Black Orpheus (par Cédric Vincent)
Sous titrée «Journal of African and Afro-American Literature», la revue littéraire anglophone Black Orpheus fut fondée à Ibadan (Nigeria) en 1957 par l'universitaire expatrié allemand Ulli Beier. La création de la revue s’inscrivait dans la ligne du projet éditorial panafricain proposé depuis 1947 par la revue parisienne Présence Africaine et dans l’esprit fédérateur du Congrès des Ecrivains et Artistes Noirs de 1956. Son titre reprenait celui de la préface écrite par J.P Sartre à L’Anthologie de la Poésie Nègre et Malgache publiée en 1948 par Léopold Sédar Senghor. Le projet de Black Orpheus était non seulement de traduire en anglais les écrivains publiant dans PA mais aussi des auteurs écrivant en portugais, en espagnol ou en arabe, et de devenir sur le plan local le relais d’expression privilégié des nouvelles formes d’écritures africaines anglophones développées alors en Afrique du Sud ou au Nigeria par des jeunes auteurs tels que Esk’ia Mphahlele, Wole Soyinka ou John Pepper Clark. Bien que principalement axée sur la littérature, la revue accueillit également dans ses pages des projets d’artistes imaginés par Suzanne Wenger, Demas Nwoko, Vincent Kofi ou encore Ibrahim Salahi. Black Orpheus, malgré une parution irrégulière, s’attacha un important lectorat en Afrique anglophone. Beier en fit petit à petit un instrument privilégié pour défendre et diffuser les activités pluridisciplinaires du Mbari Club ouvert à Ibadan en 1961, qu’il encadrait durant ces années parallèlement à son travail éditorial. Beier quitta la direction en 1967 et une nouvelle équipe, dirigée par Abiola Irele et John Pepper Clark, pris sa suite. Black Orpheus évolua alors vers une plus grande diversité, devenant davantage une tribune libre que l’organe d’un groupe d’artistes et d’écrivains défendant une vision culturelle et artistique bien particulière. Elle sortit de plus en plus irrégulièrement cependant et cessa de paraître, après différents changements d’équipe, au début des années 1980.

Transition (par Cédric Vincent)
Cette revue littéraire et politique fondée à Kampala (Ouganda) en 1961 par le jeune poète ougando-indien Rajat Neogy (1938-1995) fut l’un des projets éditoriaux les plus dynamiques développés en Afrique de l’Est. Impressionné par le succès de Black Orpheus, Neogy souhaitait faire de Transition le «Black Orpheus de la région», un moteur pour la littérature d’avant-garde. Cependant il devint au fil des numéros une tribune pour les débats politiques qui agitaient alors l’Afrique indépendante. Les noms de Julius Nyerere, Ali Mazrui, Nadine Gordimer, Chinua Achebe mais aussi des américains James Baldwin et Paul Theroux figurèrent aux sommaires de la revue. Transition connut un succès considérable dans les cercles intellectuels en Afrique, jusqu’à ce que Neogy soit arrêté pour trahison par le gouvernement du président Milton Obote, quand il fut découvert que le principal soutien économique de la revue, la Farfield Fondation, elle-même financée par le Congress of Cultural Freedom, s’avéra être un instrument de la CIA. Libéré en 1969, Neogy poursuit le projet de Transition relocalisé au Ghana, jugé plus sûr avec l’arrivée au pouvoir d’un ami de Neogy, Kofi Busia; elle n’y reste cependant qu’un court moment, la revue étant à nouveau victime de l’agitation politique du pays. Le relais fut ensuite pris par Wole Soyinka depuis Londres, qui la renomma pour un temps Ch'indaba (fusion de Swahili et Matabele) et publia sept numéros. Il se démarqua de la précédente version par l’intérêt porté aux mouvements du «Black nationalism» et revendiqua l’héritage Afro-Caribéen de Fanon et C. R. L. James. Transition ne réussit pas à s'imposer et cessa sa publication en 1976. Quinze années plus tard, en 1991, une nouvelle version de Transition  vit le jour aux Etats-Unis. La revue, qui est désormais dirigée par les historiens établis aux Etats-Unis Henry Louis Gates Jr, ancien étudiant de Soyinka à Cambridge et contributeur régulier de la revue pendant les années 1970, et Anthony Appiah, s’adresse principalement aux Africains-Américains.

Masses (par Pascale Ratovonony)
Comme l’indique son sous-titre de «Revue mensuelle d’action prolétarienne», la création de Masses répond en 1931 à la volonté de nourrir la conscience de classe des jeunes prolétaires quelle que soit leur appartenance partisane, par des articles de politique, d’économie, mais aussi d’art et de littérature. Elle se pose vite comme une alternative révolutionnaire aux autres revues culturelles de l’époque, notamment Esprit parfois violemment attaquée dans ses pages. La revue connaît une existence mouvementée: 19 numéros paraissent entre 1931 et 1934 puis, après une interruption de douze ans (à l’exception d’un numéro unique en 1939), 11 numéros sont publiés en 1946-47 – avant son absorption, en 1948, par la République fédérale, socialiste, syndicaliste. Dès 1933, une scission se produit: à l’équipe de Paul Faure succède celle de René Lefeuvre, immédiatement dénoncée comme «contre-révolutionnaire» dans les pages de l’Humanité. Malgré ces dissensions internes, la ligne de la revue reste néanmoins internationaliste avant-guerre: la lutte contre le colonialisme compris comme forme particulière de l’oppression capitaliste, fait l’objet de nombreux articles et d’un numéro spécial en réponse à l’exposition coloniale de 1931. Léon Werth et Félicien Challaye y écrivent, de même que Michel Leiris, proche des «Amis de Masses» pour lesquels il organise en 1933 une conférence ainsi que des visites guidées de l’exposition Dakar-Djibouti. Considérés comme subversifs, les numéros de Masses sont jusqu’en 1934 régulièrement saisis par le Service de Contrôle et d’Assistance en France des Indigènes des Colonies Françaises. (Merci à Sarah Frioux-Salgas de m’avoir signalé l’existence de cette revue.)

Rouge et Noir (par Pascale Ratovonony)
En organisant des «Semaines cubaines» du 21 juin au 12 juillet 1969, en présence d’Alejo Carpentier, Roberto Fernandez Retamar, Michel Gutelman, Michel Leiris, Maria Casares et Max-Pol Fouchet, la Maison de la Culture de Grenoble affirme, moins d’un an et demi après son ouverture, la volonté de rejoindre le dynamisme de la Tricontinentale et le projet de décentralisation culturelle d’André Malraux. Dans la décennie suivante, la programmation de festivals Tchekhov ou Beaumarchais, de la compagnie Carolyn Carlson, de dessins de Picasso, répond à la directive du Ministère des Affaires culturelles de démocratiser l’accès à ce qui n’avait longtemps été le privilège que d’une élite. Demeure cependant essentielle l’inspiration gauchiste, traduite par l’articulation entre l’action politique et la création artistique: Kateb Yacine, Glauber Rocha, Chris Marker, les affichistes, sont régulièrement mis à l’honneur. Prévue pour être, lors de son premier numéro en juillet 1968, le bulletin d’information de la Maison de la Culture de Grenoble, Rouge et Noir dépasse néanmoins la simple publication institutionnelle. Outre le calendrier des activités et des événements, figurent également dans ses pages des entretiens avec les artistes en résidence, ainsi que des articles de fond touchant des points de politique ou d’histoire. Ce souci de clarté et de pédagogie, aussi bien sous la direction de Claude Espérandieu que de Jacques Laemlé à partir de juin 1976, joue un rôle non négligeable dans la coexistence des deux orientations culturelles de la Maison de la Culture. En 1977, Rouge et Noir cesse d’être imprimée sur grands feuillets de papier journal pour prendre le format plus élégant d’une revue; alternent alors les couvertures confiées à Grapus, Roman Cieslewicz ou Ernest Pignon-Ernest, et des images culturelles plus conventionnelles. Rouge et Noir se fait ainsi le reflet de la tension, au sein de l’animation culturelle, entre intégration et subversion (Pierre Gaudibert).

Miroir du cinéma (par Olivier Hadouchi)
Miroir du cinéma a été fondée à Aubervilliers en 1962 et, jusqu'en 1965, elle publiait notamment des textes signés Paul-Louis Thirard, Michèle Firk, François Gendron, Jean Carta, Jean-Louis Pays, Robert Grelier. Et la revue s'intéressait aussi aux questions politiques en rapport avec le 7e art, dans un esprit souvent polémique (contre Godard ou le cinéma direct), anti-impérialiste et iconoclaste (esthétique parfois proche des détournements situationnistes). Elle a soutenu des cinéastes comme Chris Marker ou Armand Gatti. Le manifeste de Jean-Louis Pays, “Pour un cinéma agissant”, et celui, publié de façon anonyme, “Pour un cinéma parallèle”, sont parus dans ses pages, accompagnés de discussions menées par Jean Carta et Paul-Louis Thirard autour du cinéma parallèle et d'intervention.

Partisans (par Olivier Hadouchi)
Née dans les dernières années de la guerre d'indépendance algérienne, la revue Partisans a été éditée par François Maspero de 1961 à 1971. Dès le premier numéro, l'éditorial de Vercors, “Nous sommes des partisans”, met l’anticolonialisme dans la filiation de la Résistance française contre le nazisme, tandis qu'un dossier consacré à la “génération algérienne” et la photographie de couverture (en hommage à la révolution cubaine), indiquent quelle sera la ligne adoptée, résolument anti-impérialiste, au fil des numéros. Dans ses pages, Partisans a donné la parole à de nombreuses personnalités (dirigeants, militants, intellectuels du monde entier) que l'on retrouve au sommaire de Tricontinental ou de Révolution africaine: Amilcar Cabral, Fidel Castro, Gérard Chaliand, Nguyen Vo Giap, Ernesto Che Guevara, Pierre Jalée, Albert-Paul Lentin... Elle a publié des numéros spéciaux contenant des dossiers de référence autour de thématiques liées à la libération de l’Afrique, de l’Amérique latine ou du Vietnam, au féminisme, à la question palestinienne, et des textes consacrés au théâtre militant, à la littérature populaire comme acte de résistance et au cinéma d'intervention.  

Présence Africaine et ses prédécesseurs (par Lotte Arndt)
Pour le salon de recherche du projet Action! Painting/Publishing je propose de présenter un groupe de revues, qui précédent et accompagnent la parution de Présence Africaine en 1947. Cette revue me paraît être importante à prendre en compte dans les configurations parisiennes de ces décennies car elle montre les enchevêtrements, mais aussi les ruptures et frictions entre les différents courants qui s’engagent dans la poursuite de la décolonisation dans le champ de la culture. Les concepts qui se confrontent dans les pages de la revue sont loin d’être unanimes sur des questions aussi fondamentales que la notion de la modernité, la place conférée à la reconstruction d’un supposé passé précolonial, les rapports entre élites et peuple. En outre, la durée de la parution permet de comprendre les péripéties de la constellation Présence Africaine, qui se radicalise considérablement autour de Bandoeng (1955). Le parcours de Présence Africaine montre la manière dont la revue est traversée par les événements de son temps, et simultanément intervient de façon active dans le cours des choses, en forgeant et discutant des stratégies. Plus qu’une histoire de résistance pure, la publication ouvre sur les archives d’un courant complexe et hétérogène, négociant les termes des nouveaux langages en cours d’élaboration. (Merci à Sarah Frioux-Salgas pour le prêt des entretiens filmés)

Souffles (par Marion von Osten)
Souffles est une revue trimestrielle éditée à Rabat (Maroc) de 1966 à 1971, et créée à l’initiative des écrivains Abdellatif Laâbi, Mohamed Khar–Eddine, Mohamed Melehi et Mostafa Nissaboury. A la recherche d’un nouveau langage post-colonial, le groupe souhaitait poser les bases d’une forme de «guérilla linguistique», capable de créer une esthétique post-coloniale à travers les traditions orales et artisanales, et de la superposer aux grandes narrations modernistes et pré-modernistes du non-figuratif et du non-linéaire. Le peintre Mohamed Melehi réalise la couverture et la maquette du journal. Le «comité d’action» du magasin incluait: Ahmed Bouanani, Mostofa Nissaboury, Abdallah Stouky, Abraham Serfaty, Tahar Ben Jalloun, le poète Algérien Malek Alloula et les Français Bernard Jakobiak et André Laude. La revue était rédigée d’abord en Français et ensuite en Arabe. La quête d’un nouveau langage contre l’hégémonie de la modernité coloniale est un thème central de la revue relié à la volonté de rompre avec les traditionalismes de la littérature française et arabe, tout aussi bien qu’avec la peinture figurative. La poésie devient le langage de l’imagination qui dépasse la domination. Les éditeurs de la revue étaient aussi connectés avec la Tricontinentale et avec le Mouvement pour les Droits Civiques. Elle était soutenue par des acteurs transnationaux, certains en exil, certains dans une circulation  permanente entre Etats-Unis, Afrique, Asie et Europe. Mario de Andrade et René Depestre (Cuba), Etel Adnan (Liban), Mohamed Aziza and Azeddine Madani (Tunisie), Jeanne-Paule Fabre (France), Mostafa Lacheraf (Algérie), Abdallah Stouky and Abdelkhébir Khatibi (Maroc) écrivent dans la revue. Les articles font référence au parti des Black Panthers, au troisième cinéma et aux festivals pan-africains de Dakar et Alger, mais aussi aux concepts de créolisation et de marronnage, et à l’émergence d’une perspective  post-panafricaine. Après 1968 et à cause de la rupture profonde survenue parmi les artistes et les écrivains d’orientation marxiste-leniniste, la revue s’engage dans une direction plus radicale. La revue documente la lutte entre la radicalisation esthétique et les bases politique sur lesquelles elle se crée. Certains de ses auteurs écriront de prison au Maroc; ils ne seront libérés que dans les années 1980.

Tricontinental (par Marion von Osten)
Tricontinental est une revue trimestrielle de gauche créée en 1966, pendant la Conférence Tricontinentale et actuellement éditée par l’Organisation pour la Solidarité entre les peuples d’Afrique, Asie et Amérique Latine (O.S.P.A.A.A.L). La revue paraît au moment de la Conférence Tricontinentale organisée à La Havane par Mehdi Ben Barka (Maroc) avant son assassinat en 1966. La première rencontre O.S.P.A.A. (Organisation pour la Solidarité entre les peuples d’Afrique et Asie) s’était déjà tenue au Caire, en Egypte en 1957. Cinq cent délégués appartenant à 35 pays vinrent représenter les mouvements de libération et les partis plutôt que les Etats-nations. La conférence fut dirigée par Ismael Touré, assisté par Mehdi Ben Barka et Chu Tzu-chi représentant la Chine. Ben Barka voulait aussi créer une revue anticoloniale, «The African Review». La rencontre suivante de juin 1961 au Caire voit l’inclusion de Cuba et le reste des pays Caribéens et de l’Amérique Latine dans une nouvelle Organisation à l’issue de la proposition de la Commission  sur le Néocolonialisme. Entre 1966 et jusqu’à la moitié des années 1980, l’O.S.P.A.A.A.L sous la direction d’Alfredo Rostgaard, produit toute une série d’affiches pour la promotion de la cause tricontinentale. Durant les années 2000 la production d’affiches est reprise de nouveau. Les messages marqués sur les posters étaient écrits en Espagnol, Anglais, Français et Arabe. Les posters étaient inclus dans la revue pour qu’ils soient distribués à l’international. François Maspero édite la version française de la revue et, à la fin des années 1960, c’est Giangiacomo Feltrinelli qui réalise l’édition italienne. Parmi les intellectuels et les activistes paraissant dans les pages de la revue il faudrait nommer Amilcar Cabral, Mario de Andrade, Ernesto Che Guevara, Stokely Carmichael, Octavio Gentino et Fernando Solanas, mais aussi Peter Weiss, Jean-Paul Sartre ou Michel Leiris.

Siné massacre (par Mihaela Gherghescu)
La caricature est l’un des véhicules privilégiés pour traduire la protestation. Souvent confrontée à la censure, la presse culturelle trouve ses échappatoires rusées dans la satire allusive ou crûment directe. Au plus haut moment de la confrontation anti-coloniale, l’hebdomadaire Arts tenait une rubrique spéciale de dessins «impubliables» coordonnée par Jacques Sternberg et incluant des dessins de Siné, Ylipe, Maurice Henry. Fondée en 1962, ouvertement anti-coloniale, anti-impérialiste, anti-gaulliste et anti-cléricale, Siné Massacre réunit les forces contestataires et les futurs collaborateurs de la faction française de la Révolution Africaine, Siné, l’avocat Jacques Vergès, le journaliste Albert-Paul Lentin ou le caricaturiste Strelkoff, connecté avec les milieux situationnistes. L’humour gras de Siné gagnera des accents très engagés dans ses dessins et photos réalisés ensuite pour Révolution Africaine.

OPUS international (par Mihaela Gherghescu)
Créé en 1967 en réunissant un comité éditorial très éclectique formé par Gérard Gassiot-Talabot, Jean-Jacques Lévêque, Alain Jouffroy ou Jean-Clarence Lambert, Opus International essaiera d’établir un lien polémique entre la production artistique contemporaine et l’engagement politique. Bénéficiant des articles poignants signés par Pierre Gaudibert ou Raoul-Jean Moulin, et surtout devenant une plateforme iconique par le design graphique de Roman Cieslewicz  ou par les contributions de Roland Topor, la revue réalise des numéros thématiques questionnant les nouveaux rapports de force entre les scènes artistiques, la géographie politique des territoires culturels. La revue consacre des numéros spéciaux aux pays de l’Europe Centrale et de l’Est et devient vite une tribune pour l’affirmation de nouvelles tendances artistiques. Par son numéro emblématique dédié à la Révolution cubaine, elle témoigne de la passion que les figures de Che Guevara ou Fidel Castro mais aussi d’autres intellectuels engagés comme Régis Debray, suscitent dans les milieux intellectuels français à l’heure de la reconfiguration des zones de pouvoir.